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Un Pyve en Bolivia
23 décembre 2007

Enfin je me suis donné le courage de faire mon

Enfin je me suis donné le courage de faire mon blog... Vous ne vous rendez certainement pas compte mais ici la connexion est plus lente qu'un paresseux (cet animal qui dort environ 20 heures par jour, suspendu la tête en bas et qui se déplace très lentement : moins de 4,50 m à la minute dans les arbres.). Bref Comme vous le savez (ou peu être pas!), je suis en Bolivie, à Cochabamha exactement. Ville où, en ce moment, il peut faire jusqu'à 35°, bien que, le quart d'heure suivant, le ciel bleu puisse se transformer en véritable déluge d'eau venant du Chapare, zone forestière et particulièrement connue pour sa production de coca et ses syndicats cocaleros (le président actuel de la Bolivie, Evo Morales, leader des syndicats cocaleros, en est issue). D'ailleurs en ce moment, les inondations frappent plusieurs départements très fortement. Remarquez, vu que ces inondations frappent les régions indépendantistes, ils ne sont plus occupés à armer leurs jeunes recrues pour un affrontement probable avec le gouvernement de La Paz (ou Sucre??? qui sait). Ça aussi d'ailleurs fait des émules à Sucre justement où il y a eu trois morts il y a peu sur cette question de la capitale. La nouvelle constitution est en effet le problème qui, si on était en France, serait le seul sujet de discussion. Heureusement, on est en Bolivie et la politique est un sujet qui a peu de place dans les discussions quotidiennes. D'ailleurs, en parlant politique, je suis tellement content de ne pas être en France (aunque sea para tì) où l'on ne parle plus que de Lui! Le journal Le Monde me saoûle dés que je l'ouvre (le site bien sûr). Je ne le consulte d'ailleurs que très rarement et me suis tourné vers des journaux locaux (Los Tiempos, Opiniòn, ...). Au fait, qu'est ce que je fais en Bolivie? Je travaille dans une fondation pour la défense des droits des peuples indigènes, en particulier les Indiens Yuracaré et les Trinitarios. Ils vivent justement dans le Chapare, dans le parc national Isiboro Sécure, qui se trouvent être en plus un TCO (Territoire Communautaire d'Origine). Ces territoires sont les zones où il a été reconnu un droit exceptionnel pour les indigènes qui y vivent depuis des siècles (bien avant la colonisation). Le fait que le territoire des Yuracaré et Trinitarios soit à la fois un parc national et un TCO pose d'ailleurs un problème énorme de gestion du territoire. De plus, les frontières du TCO ne sont pas fixées (processus de saneamiento) de façon définitive. Je m'explique, dans un TCO, les indigènes ont le pouvoir sur la gestion de leur territoire, la politique, la justice et la liberté de vivre comme bon leur semble sans qu'il ne soit permis à personne d'entrer, d'exploiter les ressources, ... sans leur accord. Or ce territoire est aussi parc national et la gestion des aires protégées est aux mains de la SERNAP (Servicio Nacional de Áreas Protegidas de Bolivia). Voyez-vous le problème, deux autorités pour un territoire ; on sait ce que ça donne ! Le principal point de discorde concerne la production de coca. Cette plante aux valeurs nutritives, médicales, … certaines est aussi à l’origine de la cocaïne, surtout dans cette région d’ailleurs où même les habitants (qui mâchent la coca à longueur de journée) achètent la coca en provenance des Yungas (zone au nord de La Paz), meilleure pour mâcher. En effet, les indigènes aussi ont appris à cultiver la coca et c’est d’ailleurs leur principale source de revenus. Or, la politique de la SERNAP est zéro coca dans un parc national. Cependant il paraît impensable pour les indigènes de survivre sans cette manne financière. Donc, pour la SERNAP, si les indigènes n’arrêtent pas la production de coca, ils ne peuvent plus faire partie du parc national. Cependant, s’ils se séparent des frontières du parc et considérant que les frontières du TCO ne sont pas fixées, alors l’entrée des colonos serait incontrôlables. Il faut savoir que depuis les années 80, les colonos (Quechuas et Aymaras de l’Altiplano bolivien et des zones minières de Potosi et d’Uyuni), fuyant la pauvreté, se sont rués dans cette zone pour pouvoir survivre sachant que le sol y est très fertile et que les revenus potentiels sont énormes (surtout depuis le boom de la consommation de cocaïne en Occident). Ainsi en quelques années, la population s’est multipliée et il a fallu de fait entrer de plus en plus dans la forêt réduisant ainsi le territoire théorique des indigènes. La forêt vierge a aussi énormément souffert de ces entrées incontrôlées et l’on estime à environ 10000 hectares la déforestation à l’intérieur même du parc (je n’ai pas les chiffres en ce qui concerne les alentours du parc).IMG_0891_01 Comme vous le voyez, les problèmes des indigènes sont multiples et il leur faut en plus faire avec une organisation politique faible et peu représentative de ses habitants. En effet, les représentants des conseils indigènes sont le plus souvent loin des réalités des habitants de la forêt et l’information n’arrive que rarement aux communautés qui laissent libre choix à leurs représentants. Or, ceux-ci venant d’autres communautés ou ayant d’autres intérêts peuvent prendre des décisions qui ne collent pas aux intérêts des communautés. De même, nous sommes en Bolivie dans une zone très riche (pas pour tout le monde mais qui engendre des millions de bénéfices au niveau mondial) et la corruption est chose commune. Ainsi, les frontières du TCO, sont constamment repoussées plus à l’intérieur de la forêt à l’insu des communautés concernées mais avec l’accord des autorités indigènes ! Bref, c’est un peu compliqué et j’espère avoir été le plus clair possible. Ce serait un sujet de thèse et il semble impossible de pouvoir le résumer si facilement. Et nous dans tout ça ? Tout d’abord, nous ne luttons pas contre la production de la coca et ne sommes pas contre les colonos. Après tout ce sont des indigènes aussi, natifs d’une autre région soit mais indigènes qui se cherchent comme tout un chacun dans le monde un moyen de nourrir sa famille. Quant à la coca, après tout c’est en Occident qu’il y a des problèmes avec ça (bien qu’ici ça crée de la délinquance et de la corruption et que sa production dans les ateliers clandestins au milieu de la forêt pollue les fleuves avec ses produits chimiques) et nous ne sommes pas fous, tant d’argent est en jeu que nous ne sommes personne pour lutter contre ça. Nous nous concentrons ainsi sur d’autres enjeux. Les indigènes avec qui nous travaillons ont été depuis des siècles relégués au statut de sous-hommes et considèrent ainsi leur culture comme inférieur. Nous travaillons donc à revaloriser leur propre estime d’eux-mêmes et de leur culture. Un des moyens les plus efficaces a été le tourisme communautaire qui fonctionne de façon soutenue depuis plus d’un an. En effet, la venue d’étrangers intéressés dans leur culture et les richesses de leur territoire engendre de fait un regain de fierté dans sa propre culture et fait comprendre les potentialités de leur territoire (il y a quelques années, plus au nord, une communauté de Yuracaré a vendu son territoire pour 500 Boliviens, environ 50€, avec un peu d’alcool à une compagnie pétrolière !). De plus, il est clair que ce tourisme engendre de même des revenus non négligeables pour la communauté (rien à voir avec la coca il est vrai mais tout de même). Nous sommes aussi dans des projets productifs tels que la domestication de Jochi (animal de la forêt dont la viande est très apprécié dans la région mais que la chasse sauvage décime rapidement) et la production de miel d’abeilles sans dard (Apidae: Meliponinae) dont le miel est connu pour ses vertus médicales et aphrodisiaques (il est vraiment très bon, un des meilleurs que j’ai goûté). En fait, l’une des finalités de la fondation, la plus dure, est d’améliorer les institutions indigènes à travers la formation de ses représentants, une représentation plus « démocratique », un transfert de l’information efficace, … . Pour cela, nous travaillons avec les institutions déjà présentes et étudions les autres institutions qui gèrent de façon relativement efficace leur territoire (par exemples les Indiens Guaranis du sud-est de la Bolivie). C’est en effet le plus difficile car c’est un peu comme marcher sur des œufs, il faut réussir le pari de ne pas se mettre à dos des institutions qui, bien que selon nous ne sont pas du tout efficaces, sont celles qui supposément représente les indigènes. Voilà, j’aurai essayer mais si vous avez des questions, n’hésitez pas à me demander.
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Commentaires
T
Bravo pour ton engagement auprès des populations opprimées. Tes commentaires sont pour nous d'un grand intérêt. <br /> Le dépaysement doit être total et l'adaptation au milieu n'a pas dû être très simple mais lorsque l'on croit dans ce que l'on entreprend la réussite et la satisfaction d'avoir oeuvré pour une mission humanitaire est certaine.<br /> Bon courage, Pierre-Yves, et à te lire prochainement.<br /> Bises de toute la fmille Thouroude
M
Moi aussi je veux de ce bon miel!!! <br /> En accord avec le calendrier: "Meilleurs voeux de réussite pour la fondation." Continues à nous informer, Sarko nous empêche de voir loins...<br /> Con todo nuestro amor M&M.
A
bienvenue.
J
pour ce blog nouveau-né, voeu d'avenir aussi vert chlorophyle que ce parc naturel latino et que cette page d'accueil
Un Pyve en Bolivia
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